Pierre MARTIAL, écrivain et journaliste
Chroniques et nouvelles de Pierre Martial, écrivain-journaliste

Au péril de leur vie, des militants clandestins syriens font évader les déserteurs de Daech



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Ils sont une dizaine. Toujours sur leurs gardes et jonglant avec les noms d'emprunt. Leur chef se fait appeler Mahmoud Oqba. Il est syrien et a 33 ans. Visage poupin, air faussement calme, c'est lui le responsable du réseau clandestin “Thuwwar Raqqa".

Leur quartier général se trouve dans une petite ville du sud-est de la Turquie, à 60 kilomètres de la frontière syrienne et à une centaine de Raqqa, capitale de Daech.

Proches de l'ASL (Armée Syrienne de Libération), ces résistants se sont donné pour mission d'exfiltrer les déserteurs, de plus en plus nombreux, de l'Etat islamique.

L'an dernier, Mahmoud et son réseau ont, ainsi, réussi à en faire fuir plus d'une centaine. Selon eux, ce n'est qu'un début!

Pour la première fois, ils racontent...

De plus en plus de “soldats du Califat” veulent fuir cet enfer...

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L'artère fémorale de Daech n'est pas encore touchée mais les hémorragies se succèdent chaque jour un peu plus.

Celle des défaites sur le terrain, par exemple. Comme la perte de Palmyre tout récemment. Mais celle aussi, encore plus importante, de la multiplication du nombre des déserteurs. Sans cesse plus nombreux. Sans cesse plus déterminés à vouloir fuir cet Etat islamique qu'ils ne reconnaissent plus (1).

Venus du monde entier et ayant tout quitté par “idéal”, les jeunes “soldats du Califat”, pensaient, pour la plupart, rejoindre le paradis de l'islam. Celui qui leur était vanté dans les vidéos de propagande officielle. Celui dont leur parlait avec passion et enthousiasme leur “contact” sur internet. Celui que leur vantait leur copain de cité ou les prêcheurs de certaines mosquées.

Il était temps de se battre pour l'islam, leur disait-on. Temps de prendre les armes pour rendre justice à “tous les frères et soeurs” massacrés par l'Occident. Temps de rejoindre un Califat islamique juste, égalitaire, respectueux et solidaire. Temps de fonder une vraie terre, un vrai territoire pour les "plus purs” des musulmans. Temps aussi de mener une guerre sans pitié contre les “mécréants”. Tous les mécréants. Les milliards de mécréants habitant la surface de la Terre. Y compris les musulmans mécréants, c'est-à-dire toutes celles et tous ceux - et ils sont légion! ils sont écrasante majorité! - qui ne partagent pas cette interprétation rétrograde, intégriste, brutale, totalitaire et dictatoriale du Coran.

Alors ils sont partis, ces aspirants djihadistes. Ils sont partis par dizaine de milliers, du monde entier. Et ils ont, entre autres, rejoint Raqqua, la “capitale” de l'E.I, le sourire aux lèvres et la fleur à la kalachnikov.

Et puis... Et puis au fil des jours, au fil des mois - si tant est qu'ils aient réussi à rester en vie -, ces jeunes idéalistes, ces défenseurs de l'islam, ces “coeurs purs” pour la plupart, ont découvert les coulisses de Daech. La vérité sans fard. La corruption des chefs, dits émirs. La terreur des populations occupées, comme celle de Raqqa. Les assassinats constants, pour un oui pour un non, y compris de femmes et d'enfants, la pratique des esclaves sexuelles...

Se sentant alors profondément trompés, utilisés, violentés pour une cause qui n'est pas celle pour laquelle ils avaient tout quitté, des dizaines, des centaines, des milliers d'ex-djihadistes veulent fuir l'Etat islamique. Pour sauver leur peau. Et témoigner.

Les déserteurs de Daech racontent ce qu'ils ont vu de l'intérieur

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“J'ai rejoint l'E.I parce que cette organisation me paraissait légitime“ confie Abu Hadeifa, 32 ans, l'un des jeunes déserteurs syriens exfiltrés par le réseau de Mahmoud. “Après la prise de Raqqa, ils avaient tout remis en ordre. Il y avait de l'électricité, l'eau était propre, le pain était bon, les prix étaient corrects. Au début, tout allait très bien...“
“Moi, explique Abu Houssama, 28 ans, quand je me suis engagé, j'étais motivé à 100%!“

Mais très vite, ils découvrent l'envers du décor, ou plutôt, devrait-on dire, l'enfer du décor et les exécutions massives.

"Entre Raqqa et la frontière irakienne, tous les kilomètres tu vois une ou deux têtes décapitées posées sur le bord de la route”, se souvient Abu Houssama, encore sous le choc.

“ Moi, quand j'ai rejoint l'Etat islamique, se révolte Abu Ali, 38 ans, déserteur lui aussi, j'ai cru rejoindre un califat islamique. Mais où est l'islam quand on prend de très jeunes filles de 12 à 14 ans comme esclaves sexuelles? Où est l'islam dans le fait d'égorger des enfants? Où est l'islam quand j'égorge une femme? Il n'y a même plus d'enterrement. On jette les corps pêle-mêle dans des fosses ou des trous, sans même prévenir les familles...“


“Plus jamais çà, au nom de l'islam!“ disent-ils...

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Ali, Hodeifa, Houssama et les autres déserteurs, sauvés par le réseau clandestin des combattants syriens, sont intarissables. Ils veulent parler. Dire et redire ce qu'ils ont vu de leurs propres yeux. Dénoncer cet enfer qu'ils avaient pris pour un paradis des Justes. Témoigner sur l'islamisme sanglant qu'ils ont découvert, un terrorisme touchant indistinctement musulmans, “mécréants”, hommes, femmes et enfants! Les mots se bousculent dans leur bouche, les anecdotes terrifiantes se succèdent, leurs gorges s'étreignent parfois et il s'ensuit de longs silences... Comme s'il n'était pas possible de tout raconter... Comme s'il n'était même pas possible, pour eux, de croire tout ce qu'ils ont vu et vécu!

Il y a quelques semaines, ces revenants de l'enfer ont accepté de se confier, face caméra, à mon ami Thierry Dandois et à François-Xavier Trégan, tous deux grands reporters, qui en ont fait un remarquable documentaire, sobre, fort, intègre et impartial tout à la fois, diffusé par Arte et visible en replay jusqu'au 14 avril 2016 (2).

De tels témoignages se doivent de circuler le plus largement possible pour dévoiler la sombre et sanglante réalité qui se cache derrière les “belles” vidéos de propagande de Daech.

C'est d'ailleurs ce qui fait le plus peur à l'Etat islamique. Et ce à quoi travaillent inlassablement Mahmoud Oqba et les combattants clandestins de Thuwwar Raqqua. Exfiltrer le maximum de déserteurs, bien sûr. Mais aussi, et surtout, contribuer à tarir le flot ininterrompu des dizaines de milliers d'aspirants-djihadistes continuant d'arriver du monde entier (Daech se vante de recruter, chaque mois, 2000 nouveaux combattants internationaux dans ses centres de formation militaire).

Alors à partager le plus largement possible, mes amies et amis!

Partager, c'est déjà résister!

Bien à toutes et à tous et mes sincères et profondes amitiés aux combattants clandestins de Thuwwar Raqqua, à Thomas Dandois et François-Xavier Trégan.

Pierre MARTIAL

(1) Le porte-parole du département d'état américain John Kirby, a confirmé, le 14 mars 2016, la multiplication du nombre des déserteurs de Daech
(2) “Daech, paroles de déserteurs”, l'excellent documentaire de Thomas Dandois et François-Xavier Trégan


Pierre MARTIAL

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