Chroniques et nouvelles de Pierre Martial, écrivain-journaliste

Résistance contre barbarie, sans peur, sans haine mais avec une détermination absolue.



Paris, 14 novembre 2015.

Y retourner. Y retourner absolument. Se dire qu'on a dû faire un sale cauchemar. Qu'on va se réveiller. Qu'il faut se réveiller!

Paris est froid, gris et vide en ce samedi 14 novembre. Bus et métro presques vides. Grands magasins fermés. Cinémas clos. Passants pressés.

Y retourner. Y retourner absolument. Peut-être que... rien ne s'est passé?

Arrivé près du canal Saint-Martin, rue de la Fontaine au Roi.

Devant le cafe Cosa Nostra, une chaise est restée là, dehors, seule parmi toute cette désolation. Par terre, des dizaines de gerbes de fleurs, des bougies, des petits mots écrits de mains tremblantes à l'endroit même où sont tombées et sont mortes une dizaine de personnes.

Tout est donc vrai?

Tout à côté, la laverie automatique est encore dévastée. Personne n'a ramassé les multiples débris de verre des vitrines rafalées par les kalachnikoff.

Plus loin, plus haut, à l'angle des rues Bichat et Albert, devant le Petit Cambodge et le Carillon, c'est la même désolation. Des dizaines de personnes sont là, au coude à coude, comme s'ils n'arrivaient pas à repartir, à quitter ceux qui, il y a quelques heures, sont partis à tout jamais.

Leur parler, leur parler encore, même silencieusement, même dans notre tête, leur dire qu'ils ne sont pas morts pour rien, que nous ne les oublierons jamais, que nous allons nous relever, nous ressaisir, nous prendre par la main, toutes et tous, et résister, bon sang, résister de toutes nos forces et de toute notre âme!
Même pas peur!

Devant le Bataclan, le périmètre de sécurité est encore très important. Derrière des bâches, là-bas, on s'affaire encore, policiers, militaires, enquêteurs sur les lieux même où 80 personnes ont été massacrées à bout portant.

S'arrêter un moment. Reprendre sa respiration. Se serrer par dizaines, coude contre coude, corps contre corps, les yeux rougis, autour des dizaines de lieux d'hommage où 129 de nos soeurs et nos frères humains sont tombés hier. Trop tôt. Trop injustement. Trop salement.

Et se dire, se répéter que l'oppression, la dictature, le fascisme, l'intégrisme, la volonté de qui que ce soit de nous soumettre par la force et la terreur, sont nos ennemis mortels!

Et que nous nous battrons et continuerons à nous battre jusqu'à notre dernier souffle contre eux!

Sans peur, sans haine et sans violence mais avec une détermination absolue!

Je serre très fort contre moi toutes les familles des victimes.

Pierre MARTIAL


Pierre MARTIAL
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